Ils seraient certainement en liberté aujourd’hui s’ils n’avaient pas été des cadres favorables à Guillaume Soro ou des membres de sa famille biologique. En effet, le temps a fini par confirmer les dessous politiques de la détention prolongée de Koné Kamaraté Souleymane dit Soul To Soul, Alain Lobognon, Simon Soro et bien d’autres proches de l’ancien président de l’Assemblée nationale.
La majorité d’entre eux ont été pris ensemble ce mercredi 23 décembre 2019, alors qu’ils étaient réunis au siège de Générations et Peuples solidaires (GPS) dans le cadre du retour au pays du président de ce mouvement citoyen lui-même visé par des mandats d’arrêt de la justice ivoirienne.
Fin septembre et début octobre derniers, certains parmi eux ont bénéficié de liberté conditionnelle. On constatera que cette décision a été prise en contrepartie de leur soutien au Rhdp comme ce fut le cas pour Kanigui Soro, ou dans l’espoir de les voir tourner dos au leader de GPS au profit du parti au pouvoir, même si jusqu’à ce jour, certains ex-détenus tels Koné Tehfour, Yao Soumaïla, Kando Soumahoro, Loukimane Camara, ont refusé d’entrer dans ce deal.
Ceux-ci demeurent fidèles à Guillaume Soro mais, à la différence de Soro Kanigui qui a repris une activité politique quasi normale, eux s’abstiennent de toute prise de parole publique comme exigé par le juge, au risque de retourner en prison. Ils restent donc des prisonniers politiques parce qu’ils n’ont pas accepté de rejoindre le camp Ouattara. Leur crime ? Leur choix politique contraire à celui du pouvoir.
Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, celui qui n’est pas favorable au Rhdp doit se taire, faute de quoi des motifs seront trouvés pour le faire arrêter et le jeter en prison. Pourtant, avec l’arrivée d’Alassane Ouattara à la tête du pays, l’on a espéré voir disparaître cette méthode politique sans charme, anti-démocratique et qui relève d’une mauvaise gouvernance indigne de la grandeur qu’incarnait l’ancien DGA du FMI. Hélas, il est tombé dans les mêmes travers que certains de ses prédécesseurs et contribue ainsi à pérenniser ce vilain cycle de vengeance qu’il ne faudra pas être surpris de revivre demain quand ceux qui tiennent les rênes du pouvoir deviendront des opposants, et que leurs victimes d’aujourd’hui se retrouveront au pouvoir.
Depuis un an, tout montre, en effet, que le pouvoir, manifestement pas sûr de pouvoir battre Guillaume Soro dans le jeu électoral, a choisi de l’écarter de la compétition. Pour y parvenir, il a choisi, entre autres moyens, de s’appuyer sur la justice sachant que des juges pouvaient se soumettre à une telle instrumentalisation. Résultat, des poursuites judiciaires ont été lancées contre le député de Ferké et ses proches sans que des preuves tangibles n’aient pu être trouvées pour les condamner.
Il y a un an, le procureur Adou Richard affirmait qu’ils ont été pris en flagrant délit de faits graves comme une « tentative d’atteinte à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire national ». D’après le magistrat, le président de GPS et ses camarades politiques se préparaient à mettre à exécution leur projet le 23 décembre 2019. A l’en croire, ce projet a pris son départ dans les propos entendus dans l’enregistrement audio brandi contre l’ancien président de l’Assemblée nationale, et devait s’achever au mois de décembre en Côte d’Ivoire, en passant par, dit-il, une campagne menée par le président de GPS en Europe pour « discréditer » l’Etat ivoirien.
Ce sont là, aux yeux d’Adou Richard, les matières de ce prétendu flagrant délit. Ainsi des parlementaires et d’autres innocents citoyens sont-ils injustement maintenus en prison malgré des ordonnances de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) et des décisions de l’Union interparlementaire (UIP) qui ont reconnu le caractère politique de leur emprisonnement et exigé leur libération. Les autorités ivoiriennes n’ont jamais voulu exécuter ces décisions supranationales.
Cissé Sindou
(Générations Nouvelles)