À 6 mois de la présidentielle ivoirienne, le RHDP ne représente rien, le parti de Ouattara, ne vaut plus rien. Une analyse de Pierre Alex Menant.
Une fébrilité évidente voire angoissante
Dans cet exercice, l’alliance des Houphouëtistes semble montrer sa fébrilité. Contrairement aux déclarations fracassantes faites dans l’euphorie pour se donner parfois de la contenance, le parti au pouvoir reste très fragile sans une réelle force à même d’écraser ses adversaires en cas d’élections démocratiques, transparentes, libres, crédibles. Il choisit donc de s’abonner à la propagande et à la jouissance avec les moyens de l’Etat. Si ce ne sont pas les harassantes cérémonies d’hommage au chef de l’Etat ou encore au Premier ministre, ce sont les rassemblements pompeux, verbeux et creux à la gloire du mentor au cours desquels certains cadres choisissent de se la couler douce avec des jeunes filles convoyées sur les lieux de meeting. L’on se souvient encore des filles qu’ils ont fait venir de Bouaké, Daloa ou même d’Abidjan et qu’ils ont abandonnées à la place Jean-Paul II, une fois le meeting du RHDP du 7 décembre 2019 terminé.
A la vérité, ce parti ne représente rien, ne vaut plus rien, à en juger par le retour du terrain. C’est donc conscient de ce fait que le pouvoir d’Abidjan s’est lancé dans la prise de décisions aussi impopulaires, inconstitutionnelles qu’anti-démocratiques avec le secret espoir que cela lui éviterait le naufrage programmé au soir des élections d’octobre 2020. Pour les experts du RHDP insouciants des dangers qu’ils font planer sur la Côte d’Ivoire et ses institutions, les élections sont vues comme une guerre où il faut user de l’effet de surprise, de ruse ou de roublardise pour remporter la victoire sur le camp adverse.
Et pourtant les stratégies mises en jeu, sont déjà connues et ont produit les effets contraires à ceux escomptés par leurs auteurs ailleurs.
C’est le président guinéen qui semble comprendre mieux la démarche de son homologue au pouvoir en Côte d’Ivoire. En effet, à la question d’un journaliste de savoir pourquoi il ne suivrait pas l’exemple d’Alassane Ouattara qui a décidé de ne pas se présenter pour un troisième mandat, Alpha Condé a coupé net : « La Guinée n’est pas la Côte d’Ivoire. D’ailleurs s’il ne veut pas briguer un troisième mandat, pourquoi modifie-t-il la constitution de son pays alors qu’il ne sera plus président ? ».
Voilà la réalité des Houphouëtistes en Côte d’Ivoire. Alassane Ouattara veut garder le pouvoir or il lui est constitutionnellement impossible de se représenter pour un troisième mandat, il sait aussi que son candidat ne fait pas le poids. Il décide alors d’user et d’abuser des textes de loi pour se donner la victoire le jour des élections plutôt que de laisser le peuple de Côte d’Ivoire décider, en toute souveraineté, de qui va devra présider aux destinées du pays.
Des pratiques iniques moyenâgeuses de retour
Alassane Ouattara confectionne une commission électorale dont les membres sont issus de son bord y compris même les membres des commissions locales qu’il appelle commission électorale indépendante, il fabrique des crimes et des chefs d’inculpation sinon fallacieux à tout le moins imaginaires contre de potentiels candidats de poids pour les contraindre en exil au mépris de la constitution, il modifie des dispositions importantes de la constitution relatives aux élections en l’absence des députés de l’opposition, il profite de la psychose créée par la pandémie du coronavirus pour modifier le code électoral par ordonnance sans l’aval des élus du peuple, il limoge les cadres de l’opposition des postes dans l’administration pour les priver du minimum vital et des moyens de mener leurs activités politiques sur le terrain, il menace de d’arracher le ‘’tabouret’’ à tous ceux qui refusent de rejoindre son parti et impose la pensée unique et le culte de la personnalité.
C’est ainsi que dans tous les discours, les cadres du RHDP vont chanter les louanges des deux personnalités du chef de l’Etat et du Premier ministre. Des pratiques que l’on croyait avoir abandonnées avec l’avènement du multipartisme mais qui refont surface sous le régime du RHDP en plein 21è siècle.
Pis, elles sont devenues une arme de conservation du pouvoir. Sans oublier l’achat des consciences avec des élus arrachés à l’opposition à coût de millions de francs du contribuable ivoirien à l’issue des dernières élections législatives et municipales. Tout bien calculé et en dépit de cet abattage de stratégies, de pressions et de répressions contre ses adversaires, le RHDP n’est pas assuré de conserver son pouvoir. Pis, les observateurs de la scène politique de tout horizon sont convaincus que le pouvoir va filer entre les mains du RHDP si les élections d’octobre prochain sont inclusives et conformes aux standards internationaux.
Avec le désapparentement du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) en août 2018 et le récent départ de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Marcel Amon Tanoh du RHDP, le 19 mars dernier, la vérité a fini par rattraper le mensonge au sommet de l’Etat. Les Ivoiriens ont enfin compris que le RHDP n’est pas le parti politique qu’il prétend être ni la force politique qu’il fait craindre. En réalité, rien n’est bouclé ni géré. Mais la saignée n’est pas prête de s’arrêter avec ce qui se prépare à l’Union pour la Démocratie et la Paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) d’Albert Mabri Toikeusse.
Lui qui avec Marcel Amon Tanoh a refusé la forfaiture du 12 mars dernier à l’occasion de la réunion du Conseil politique et de cautionner la mascarade des illusionnistes dont le pouvoir s’effrite de jour en jour comme une peau de chagrin. Un parti de plus en plus impopulaire avec un candidat très impopulaire risque de conduire la Côte d’Ivoire dans des élections impopulaires sinon catastrophiques.
C’est pourquoi même quand le chef de l’Etat ivoirien tente de rassurer et d’apaiser les populations quant à l’issue des élections présidentielles d’octobre, la majorité des Ivoiriens y voit du mensonge voire de la flagornerie. Quand on est sûr de sa force, on ne passe pas par des moyens détournés pour atteindre son but. Car tous ces artifices visent à conserver le pouvoir sans passer par une bataille à la loyale. Vivement que Dieu sauve la Côte d’Ivoire et que le pays ne retombe pas dans les travers de 2010 à cause des appétits voraces et pouvoiristes des pseudo-Houphouëtistes au pouvoir.