De l’interview qu’il a accordée à Jeune Afrique, il ressort clairement qu’Alassane Ouattara n’a tiré aucune leçon de son propre parcours politique. De toute la vieille classe de la politique ivoirienne, le président de la République actuel est celui qui a connu plus de démêlés avec la justice ivoirienne. Fuyant la foudre de l’institution judiciaire de la Côte d’Ivoire, l’ancien haut fonctionnaire du FMI avait trouvé refuge en France. C’est le putsch du général Robert Guéi en décembre 1999 qui mettra fin à son exil.
Dans une interview accordée au média panafricain Jeune Afrique le 15 septembre dernier, le président de la République Alassane Ouattara a fait étalage de sa haine contre l’ancien président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro. Interrogé sur l’évolution des relations entre lui et le président de Générations et peuples solidaires (GPS), il a déclaré que « les faits qui sont reprochés à Soro sont d’une extrême gravité ».
Ces faits d’une extrême gravité dont parle l’ancien fonctionnaire du FMI sont entre autres, trouble à l’ordre public, attentat contre l’autorité de l’Etat, tentative de déstabilisation du pouvoir.
Ces faits, la justice d’Alassane Ouattara a été incapable d’en donner la véracité au cours d’un procès qui a duré plus d’un mois. Le 23 juin dernier, au cours d’un procès qui a démontré tout son caractère politique et sa visée de règlement de compte d’Alassane Ouattara à l’égard de Guillaume Soro qui a refusé de suivre le patron du Rhdp dans sa volonté de s’éterniser au pouvoir, l’ancien Premier ministre a été condamné à perpétuité. A l’issue de ce procès devant le tribunal dirigé par le juge Bini Kouakou, ce que l’on aura retenu, c’est bel et bien l’incapacité du pouvoir d’Abidjan et ses avocats d’établir l’existence des faits reprochés à l’ancien chef du Parlement.
Poursuivant, le chef de l’Exécutif ivoirien invite son opposant à rentrer et faire face à la justice. Cela parait curieux dans la mesure où cette situation rappelle étrangement l’histoire d’Alassane Ouattara lui-même. Comme si la nature avait elle-même décider de ramener à Alassane Ouattara sa propre image, son ancien Premier ministre se trouve exactement dans la même situation qu’a vécue le président de la République en 1998. Candidat déclaré à la présidentielle de 2000, l’ancien dirigeant du FMI se prépare à renter en Côte d’Ivoire pour en vue de lancer sa machine pour la présidentielle avec son parti, le RDR.
Il sera stoppé par un mandat d’arrêt émis contre lui le 20 novembre 1999 par les autorités ivoiriennes. Le candidat du RDR est accusé de faux, usage de faux sur ses cartes d’identité. La justice ivoirienne attend alors qu’Alassane Ouattara mette les pieds sur le tarmac de l’aéroport international Félix Houphouet-Boigny d’Abidjan pour le cueillir et le conduire à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) ou séjournent déjà plusieurs cadres de son parti. Devant la menace d’un emprisonnement une fois en terre ivoirienne, Alassane Ouattara choisira de rester en France, vivre comme exilé politique, plutôt que de rentrer et affronter une justice qu’il juge instrumentalisée et au service du pouvoir.
Aujourd’hui, Alassane Ouattara semble oublié cette histoire de sa vie politique. Alors qu’il maintient plusieurs collaboratrices de Guillaume Soro en prison, qu’il a réussi à en récupérer certains au prix d’intimidations et de marchandages, le président du Rhdp demande à son opposant de rentrer faire face à ce que lui-même a refusé d’affronter en 1999.
Lui qui a préféré l’exil à une justice stipendiée, d’où tire-t-il la légitimité pour inviter Guillaume Soro à faire face à une justice qui a convaincu le monde entier de son caractère non indépendant ?
Outre cette incohérence, le président de la République a démontré une fois de plus aux yeux du monde entier que ses états d’âmes et ressentiments personnelles priment sur l’intérêt national. Pendant que l’ensemble des Ivoiriens appellent à une réconciliation inclusive, Alassane Ouattara reste toujours campé sur sa position. A savoir, exclure Guillaume Soro du processus de réconciliation nationale.
Générations Nouvelles