L’ancien président burkinabé, Blaise Compaoré, chassé du pouvoir par une insurrection populaire en 2014, après 27 ans passés à la tête du Burkina Faso, sera devant le juge très bientôt. Et pour cause.
Exilé en Côte d’Ivoire, Blaise Compaoré pourra-t-il échapper à la justice burkinabé dans le dossier de l’assassinat de Thomas Sankara?
Le 15 octobre 1987, le capitaine Thomas Sankara était assassiné avec 12 autres de ses compagnons par un commando. Plus de 30 ans après les faits, le tribunal militaire de Ouagadougou a décidé, le 13 avril 2021, de mettre en accusation l’ancien président Blaise Compaoré, aujourd’hui exilé en Côte d’Ivoire.
Comme lui, Gilbert Diendere et 12 autres personnes sont aussi inculpés pour attentat à la sûreté de l’État, complicité d’assassinat et recel de cadavre. Interrogé, le 26 avril 2021, par RFI, l’avocat burkinabé Maître Guy Hervé Kam a donné plus de détails sur ce dossier.
Pour l’avocat des familles de victimes, partie civile dans le dossier concernant l’assassinat de Thomas Sankara, le procès de Blaise Compaoré est un signal fort qui montre que nul ne peut rester indéfiniment au-dessus de la loi.
Selon lui, la décision de la chambre de contrôle qui renvoie Blaise Compaoré et treize autres personnes à un jugement, ouvre aussi la voie de la réconciliation entre le peuple burkinabè et sa justice, d’une part, et entre le peuple burkinabè et son histoire, d’autre part. Mais qu’est-ce qui est reproché concrètement à l’ancien président burkinabé?
« Il est reproché à Blaise Compaoré, en réalité, d’être au cœur de la planification, de la conception et de l’exécution du coup d’État et l’instigateur de l’assassinat du président Sankara et de douze personnes qui étaient avec lui (…) L’accusation est renforcée par plusieurs éléments factuels.
On sait d’où sont parties les armes, on sait avec précision la composition du commando mortel, d’où le commando est parti et à quelle heure. On sait avec précision dans quel véhicule, qui conduisait ce véhicule et l’on sait quelle était leur mission. Tous ces éléments renvoient à Blaise Compaoré », confie Maître Guy Hervé Kam.
« Blaise Compaoré peut tout à fait être extradé »
L’avocat se réjouit que la plupart des acteurs de ces évènements, sont encore en vie et que beaucoup d’entre eux, espèrent se vider de cette charge, avant de mourir. « Quand vous prenez Hyacinthe Kafando, quand vous prenez le lieutenant Diendéré, à l’époque, ils étaient tous les adjoints de Blaise Compaoré. Le commando mortel est parti dans le véhicule de Blaise Compaoré et il ne peut pas ignorer…
Heureusement pour le procès, beaucoup de personnes survivent encore et beaucoup ont estimé que Dieu leur avait donné l’occasion de pouvoir se vider de cette charge, avant de mourir. Donc les gens ont parlé et nous pensons que ce procès sera l’occasion de faire ressortir, enfin, la vérité », espère-t-il.
Même si Blaise Compaoré a toujours nié son implication dans l’assassinat de son frère d’armes Thomas Sankara, l’avocat des familles de victimes, lui, fait savoir que, devant le juge, on n’a pas besoin de l’aveu pour établir la culpabilité de quelqu’un qui est poursuivi. D’ailleurs, dit-il, dans nos systèmes juridiques, l’aveu n’est pas considéré comme une preuve.
« La preuve résulte des éléments matériels ou, en tout cas, des témoignages accrédités par des éléments matériels. Et dans ce dossier, le plus important ce n’est pas, d’ailleurs, ce que les personnes accusées vont dire pour faire la vérité judiciaire. Le plus important, c’est que la vérité judiciaire résulte de faits qui les accablent », explique-t-il.
A la question de savoir si la Côte d’Ivoire acceptera d’extrader Blaise Compaoré vers le Burkina afin de répondre des faits d’accusation, portés contre lui, Maître Guy Hervé Kam affirme que, sur le plan juridique, il existe un accord de coopération en matière d’extradition entre nos deux pays; et donc, Blaise Compaoré peut tout à fait être extradé, même s’il est de nationalité ivoirienne.
« Ceci étant, nous pensons que les fugitifs burkinabè, avec à la tête le président Compaoré, sont bien protégés par la Côte d’Ivoire. C’est pour cela que nous pensons qu’il est de la responsabilité politique du président Ouattara et de la Côte d’Ivoire de comprendre les attentes du peuple burkinabè, en permettant tout simplement d’extrader le président Compaoré.
Parce que c’est lui – le président Compaoré – qui détient la grande clé de ce procès », insiste l’avocat. Car, pour lui, il est important que Blaise Compaoré soit effectivement présent lors du procès ‘’pour que – pour une fois – il puisse dire clairement au peuple burkinabè ce qu’il a fait dans cette affaire’’.