« Comment un Président choisi par le peuple, arrive à tomber tel un fruit pourri, sans que ledit peuple s’en émeuve ? »

Les scénarios des récents coups d’États et insurrections en Afrique laissent comprendre qu’en réalité, au-delà des incantations politiques, le peuple tel que défini par Athènes n’existe pas et même s’il existe, il ne s’est jamais exprimé en Afrique.

Bien sûr, le vote en Afrique est d’une historicité établie bien avant le discours de la Baule. Les partis politiques et syndicats coloniaux ont connu le vote, les partis uniques l’ont pratiqué et aujourd’hui c’est une simple routine dans nos Républiques.

VOTER EST DIFFÉRENT D’ÉLIRE

Le vote est censé exprimer la volonté populaire. La volonté populaire est univoque et incompressible. Cependant sous nos tropiques, voter est différent d’élire. Glisser un bulletin dans une urne n’a pas le même sens en Californie qu’à Arikokaha.

Les éléments qui défont le vote de sa mission élective surabondent: la manipulation du vote, les déterminants du vote, le marchandage du vote, le détournement du vote altèrent irréversiblement la sincérité du vote de sorte que cela aboutit à des grossièretés politiques observables partout en Afrique :

1- des présidents « élus » pour lesquels pourtant les citoyens n’ont pas voté

2- des scores électoraux en déphasage avec la participation électorale

3- des votants non électeurs

4- etc.

Les résultats électoraux loin d’être la photographie de la volonté et de la parole du peuple sont plutôt un attelage bricolé pour subtiliser le pouvoir ou pour le séquestrer. Autrement dit, comment pourrait-il venir à l’esprit d’un militaire, obligé mécanique du peuple, de contrarier la volonté de celui-ci ? Comment un Président en exercice, choisi par le peuple, en arrive-t-il à tomber tel un fruit pourri sans que la poule qui couve ses œufs ne s’en émeuve ?

Comment peut-on faire un coup à l’Etat qui est la personnification juridique de la Nation qui elle-même est le socle social du Peuple? Pour coller plus à l’actualité locale, comment comprendre qu’un Président malien élu avec 67,17% et un Président guinéen élu avec 59,50% ont-ils tous les deux  pu être cueillis si facilement, sans effusion de sang et surtout sans soulèvement populaire en leur faveur ?

C’est dire que les dirigeants issus des élections ne sont pas réellement les choix des peuples. Sinon, aucun peuple normalement constitué comme tel ne saurait se laisser contrarier.

Il ne viendra jamais à l’esprit d’un soldat français, britannique, hollandais, américain ou allemand d’entreprendre de faire irruption dans le champ politique. Là-bas, la volonté du peuple est réellement la volonté du peuple. Là-bas quand le peuple s’exprime on l’entend.

ICI LE PEUPLE NE PARLE PAS, IL SE SERT

L’Etat africain se mange (Bertrand BADIE). Quand arrive le moment des élections, le peuple africain se lave les mains et se caresse le ventre. Il sait que les élections sont une sorte de buffet national ou à défaut d’avoir de longs bras pour se servir directement, il faut au moins confier son assiette à celui qui une fois rassasié pourrait lui jeter quelques morceaux.

Pour l’Africain, le bulletin de vote est une carte multitâche. Il est tantôt une carte de restaurant, tantôt une marchandise, tantôt une carte de ralliement ethnique…

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