Il y a un an, la presse nationale faisait état de la volonté de la Cour Pénale Internationale (CPI) d’enquêter à nouveau sur la grande crise post-électorale qui a secoué la Côte d’Ivoire en 2011 ; ce, après le procès du président Laurent Gbagbo et du ministre Charles Blé Goudé à la Haye, procès au cours duquel, les deux accusés ont été acquittés sans que leurs défenses n’aient eu à présenter leurs témoins.
Autant la CPI avait bouclé le dossier de Laurent Gbagbo avec une célérité déconcertante, autant elle traine le pas sur celui du camp de M. Ouattara
Mais avant que la Cpi ne mette à exécution son intention, s’était opportunément ouvert à Abidjan, le procès d’Amadé Ouérémi, le supplétif Frci qui serait l’auteur d’innombrables exactions à Duékoué. Arrêté depuis 2013, on peut objectivement se demander pourquoi ce procès à ce moment précis ?
Simple coïncidence avec l’annonce faite par la Cpi ou une volonté affichée de couper l’herbe sous le pied de cette dernière ? Toujours est-il que dans le box des accusés, Amadé Ouérémi n’a pas eu sa langue dans la poche. Il n’entendait pas porter seul le chapeau. Il a affirmé avoir travaillé sous les ordres de supérieurs devenus aujourd’hui des officiers supérieurs de l’armée de Côte d’Ivoire.
Ceux-ci lui fournissaient armes et treillis pour ses hommes. Il a en outre accusé les « dozos », d’autres supplétifs des Frci d’être les auteurs des tueries de Duékoué. Il reste entendu que ce procès précipité, nous a appris beaucoup de choses. Mais de nombreux ivoiriens sont restés sur leur faim, du fait qu’il s’agissait d’un second couteau utilisé pour les basses besognes qu’on n’a pas hésité à sacrifier, tel un fusible qu’on fait sauter. Ce procès d’Amadé Ouérémi n’a pas étanché la soif de vérité et de justice des ivoiriens.
C’est en cela que la Cpi, supposée être à équidistance des deux camps qui s’étaient opposés au cours de la crise post-électorale et même avant, était attendue pour prendre les choses en main et interpeler les donneurs d’ordre et les exécutants du camp de M. Ouattara comme elle l’avait fait pour le président Laurent Gbagbo.
En effet, Amadé Ouérémi était un supplétif des Frci, l’armée mise en place par M. Ouattara le 17 mars 2011, pour la conquête du Sud du pays et du pouvoir. En signant le décret portant création de cette armée, M. Ouattara en est ipso facto le chef suprême. De ce fait, même s’il n’a pas pris les armes pour commettre le massacre de Duékoué, il n’en porte pas moins la responsabilité.
Car comment comprendre que le président Laurent Gbagbo, chef suprême des FANCI, devenues FDS, puisse être poursuivi et jugé pour la mort des « 7 femmes d’Abobo », prétendument abattues par les Fds, en tant que donneur d’ordres, et que M. Ouattara ne soit pas tenu pour responsable des massacres de Duékoué en sa qualité de chef suprême des Frci ?
« Si le président Laurent Gbagbo et le ministre Charles Blé Goudé ont été poursuivis, jugés et acquittés, M. Ouattara et M. Soro Guillaume doivent l’être aussi »
Parallélisme des formes oblige ! De nombreuses personnes du camp de ceux qui dirigent le pays aujourd’hui, ont tenté de noyer le poisson, de détourner l’attention en pointant un doigt accusateur vers M. Soro Guillaume, à l’époque ministre de la défense.
Certes M. Soro Guillaume est à indexer, mais il répondait de M. Ouattara qui ne saurait être absous de ce qui s’est passé à Duékoué et ailleurs. Si le président Laurent Gbagbo et le ministre Charles Blé Goudé ont été poursuivis, jugés et acquittés, M. Ouattara et M. Soro Guillaume doivent l’être aussi pour que la vérité éclate dans toute sa splendeur. C’est également le lieu d’interpeller madame la ministre Anne Ouloto qui, dans un négationnisme de mauvais goût, avait nié et tenté de relativiser ce qui s’est passé à Duékoué.
Avec les déclarations d’Amadé Ouérémi qui ne laissaient aucun doute sur le massacre ciblé et perpétré sur les Wè, comment se sent-elle aujourd’hui? Arrive-t-elle à regarder ses parents Wè dans les yeux? Mais contre toute attente, la Cpi est toujours aux abonnés absents sur ce dossier.
Autant elle avait bouclé le dossier du président Laurent Gbagbo avec une célérité déconcertante, autant elle traine le pas sur celui du camp de M. Ouattara. Qu’est ce qui explique cette lenteur ? Ou alors, veut-on faire passer ce nouveau dossier par pertes et profits, en espérant qu’avec le temps les ivoiriens oublieront ? Mais les ivoiriens ont besoin de savoir, et ils sauront faire preuve de patience. S’Il y a eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.