Je me rappelle que durant un brainstorming avec M. Soro Guillaume Kigbafori, nous avions abordé l’épineuse question de la lutte hégémonique des peuples ivoiriens et ses dangers. Une question sociologique qui nous avait fait remonter presque toute l’historicité du peuplement des 322.463 kilomètres carré.
Nous en étions arrivés à la phase du caractère sédentaire ou nomade de ces peuples avec leurs conséquences ; on peut donc trouver des nordistes occuper des fonctions politiques partout en Côte d’Ivoire, mais c’est rare sinon quasi-inexistant comme un pou sur un crâne chauve, de voir un autre peuple des trois autres points cardinaux, être un élu au nord du pays.
En simple, un « Dioula » peut être maire ou député à Man, Duekoué, Daloa, Gagnoa, Yopougon, Adjamé et partout. C’est normal. Mais c’est une rêvasserie que d’imaginer un Yacouba, Bété, Baoulé (…), être maire ou député à Odiénné, Korhogo ou Kong (…).
Une loi non écrite dans le septentrion ivoirien s’y refuse malheureusement, s’opposant également à la notion de nation. Pourtant la nation, c’est une famille. Le nombrilisme en est une abstraction. Est ainsi pris à contrepied ce que le Président Félix Houphouet Boigny avait bien compris, lui qui fut député de Korhogo.
On trouvait donc sous son magistère pour les affectations à l’entrée en sixième où les lycées, des familles tutélaires qui savaient faire fi des origines ethniques ou religieuses pour accueillir les « infortunés » élèves qui quittaient le cocon familial. Un simple coup de fil entre parents de Logoualé à Boundiali réglait l’affaire. Et, pendant les vacances, des échanges d’ignames et de bananes plantain, ou de boubou Yacouba et de statue de Calao suffisaient à sceller l’alliance entre les familles certes, hétéroclites.
Durant nos réflexions aux allures de conférence dans lesquelles le Président de GPS assisté de plusieurs Professeurs était le mastermind, nous en arrivions à la conclusion suivante ; la volonté politique est importante pour freiner les hypocrisies qui se normalisent mais qui font ronronner et ruminer les colères et frustrations. Cette volonté politique justement, pouvait nous donner la possibilité, de permettre à un Bété installé à Ferké et qui s’y sent chez lui, de compétir pour les législatives où les municipales et pourquoi pas, le faire soutenir par les forces vives de la région.
Bien sûr, son projet pour la ville serait important. Mais le symbole d’une telle élection, briserait cette omertà, cassant ainsi les chaînes de la méfiance en concourant aisément à la consolidation de la nation. Je m’en vais citer Maurice Herzog qui disait, « notre exploit devrait être celui de la nation. »
A titre d’application, j’ai pris mon exemple personnel. Je suis de père Malinké de Kolia ( les Dioulaba ) et de mère Bété de Gboguhé. ( Daloa où je suis né ). J’ai fait une partie de mon enfance à Toulepleu me baignant dans les bédières du Cavally, avant de connaître les raccourcis qui te font sortir de Zou à Pinhou, de Soakpé à Facobly, les hauteurs de la dent de Man aux bas-fonds du quartier Thérèse. Je me sens chez moi à Man, Toulepleu, Daloa ou dans mon « Faso ».
Si les appels se faisaient et que l’envie me prenait, pourquoi il me serait facile à moi d’être candidat à Man, ma ville de cœur, à Daloa ma ville de naissance et aussi d’origine, ou à Kolia mon « Faso », alors qu’à un Digbeu, Konan qui ont fait leurs armes au Nord, y ont leurs cordons ombilicaux enterrés, ils ne pourraient pas avoir cette prétention ? Point d’interrogation. D’aucuns diront que je suis entrain de raconter des inepties. Mais j’ai lu François Mitterand qui disait : « il est dans la nature d’une grande nation de concevoir de grands desseins ».
A suivre.
KD