Alors qu’Alassane Ouattara et son poulain Amadou Gon Coulibaly ont entamé fin septembre des meetings en vue de la présidentielle de 2020, une autre campagne bat son plein au Trésor, aux impôts et à la Commission électorale.
La condamnation, le 3 octobre à Bouaké, du président du conseil régional et financier du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Jacques Mangoua, considéré comme l’un des banquiers de la formation, est la partie émergée des pressions exercées par le pouvoir ivoirien sur les entreprises qui pourraient être tentées d’épauler l’opposition plutôt que le premier ministre Amadou Gon Coulibaly, candidat putatif d’Alassane Ouattara.
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Créances gelées. C’est à l’aune de cette stratégie qu’il faut comprendre la récente suspension de paiement des dettes de l’Etat ivoirien. La crainte de la présidence est en effet que ces crédits puissent indirectement revenir à des candidats de l’opposition.
Ali Kader Coulibaly, le directeur de l’Agence comptable centrale du Trésor qui coordonne cette opération de rétention, est également maire de la ville de M’Bengué, dans le nord, et membre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti présidentiel. Il est en outre proche de Birahima Téné Ouattara, le ministre des affaires présidentielles.
Les seules entreprises qui parviennent à faire régler leurs factures par le Trésor sont celles dont les PDG ou actionnaires sont identifiés comme des fidèles du pouvoir.
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Pressions fiscales. Les entreprises que la présidence soupçonne d’être proches d’Henri Konan Bédié, le leader du PDCI, font l’objet d’attentions renouvelées des services fiscaux. C’est notamment le cas du groupe agro-industriel Sifca, premier employeur privé du pays, dont le PDG, Jean Louis Billon, est également le secrétaire général exécutif du PDCI, dont il supervise la communication.
Même constat chez le groupe de banque-assurance NSIA – son président, Jean Kacou Diagou, est considéré comme un proche d’HKB par la présidence ivoirienne. Fin avril dernier, il avait ainsi été reçu par Alassane Ouattara au palais présidentiel, officiellement pour évoquer son groupe, mais en réalité pour lui demander un engagement de neutralité politique.
Verrou électoral. Si le chef de l’Etat ivoirien laisse pour l’instant son projet de modification constitutionnelle en suspens ( LC n°806), il s’est en revanche assuré que la Commission électorale indépendante (CEI) ne lui serait pas hostile. Le 30 septembre, c’est le magistrat Kuibert Ibrahim Coulibaly qui a été élu par les membres de cette instance au poste de président.
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Kuibert Coulibaly, qui représentait le conseil supérieur de la magistrature à la commission centrale de la CEI, est un ancien collaborateur de Mamadou Koné, l’actuel président du Conseil constitutionnel et surtout ex-dignitaire du Rassemblement des Républicains (RDR), l’ancien parti d’Alassane Ouattara.
Ministre de la justice de 2006 à 2010, Mamadou Koné comptait parmi ses collaborateurs directs le nouveau président de la CEI. Sous la houlette de ce dernier, la commission va bientôt lancer la révision du fichier électoral, une étape cruciale durant laquelle l’inscription massive d’électeurs dans les circonscriptions acquises à un parti peut permettre de sur-représenter ce dernier.
La Lettre du Continent N°809 du 9 octobre 2019