Wassa Coulibaly, déléguée de Générations et peuples solidaires (GPS Royaume-Uni et Irlande du Nord), vice-présidente nationale et coordinatrice du Rassemblement des Générations et peuples solidaires (R-GPS Royaume-Uni) se prononce sur l’actualité ivoirienne. Elle rassure les partisans de Guillaume Soro.
Après cinq mois de détention, les femmes de GPS ont été libérées hier. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Je suis très contente et très émue. Tout en étant émue et contente, je condamne la barbarie et la violence faites contre les femmes qui font la politique en Côte d’Ivoire. Si cette violence pouvait s’arrêter, ce serait bien. J’espère que nos camarades libérées seront libres de leurs actions et qu’elles ne seront pas sous contrôle judiciaire. Les femmes ne sont pas violentes. Elles aiment simplement s’exprimer et dire leur mécontentement.
Ne croyez-vous pas que les militants et sympathisants de GPS sont démotivés après les évènements de 2020 et le maintien d’Alassane Ouattara au pouvoir ?
Au contraire, c’est maintenant que nous sommes motivés. Nous sommes motivés parce qu’en Côte d’Ivoire, nous sommes dans un Etat de non droit. Nous avons un Président qui s’est fait élire sans respect de notre Constitution. Une Constitution, c’est le fondement d’un Etat. Elle représente ce qu’est la fondation pour un bâtiment.
Donc, elle nous coûte cher. Cette Constitution a été brisée, brigandée par un Président qui ne respecte rien. Des députés sont emprisonnés sans que leur immunité ne soit levée. Il n’a aucun respect pour les femmes politiques. La preuve, les femmes de GPS ont été mises en prison simplement pour leur opinion politique. Les frères biologiques d’un opposant croupissent en prison simplement parce qu’ils sont ses frères. Toutes ces injustices ne peuvent que nous motiver plus à nous battre pour arracher notre liberté confisquée.
Malgré tout le combat mené par l’opposition ivoirienne en 2020, GPS y compris, Alassane Ouattara a réussi à se maintenir au pourvoir. Qu’est-ce que GPS peut encore face à cette situation ?
Disons que nous sommes face à un dictateur. C’est un pouvoir dictatorial. Donc, je pense qu’il nous appartient de maintenir notre position et mettre la pression haute.
Des partis du bloc de l’opposition ont décidé de prendre part aux prochaines élections législatives. Qu’en dites-vous ?
C’est vraiment désolant. Je pense qu’ils vont légitimer le pouvoir d’Alassane Ouattara.
Entre autres arguments, ils avancent que le pouvoir législatif est différent du pouvoir exécutif. Ils estiment que l’opposition doit aller à ces élections pour pouvoir contrôler le Parlement…
Ces arguments ne tiennent pas à mon sens. Que vaut un député aujourd’hui en Côte d’Ivoire ? Rien. La preuve, un député est toujours en prison (Alain Lobognon, député de Fresco, ndlr). Alassane Ouattara peut prendre une ordonnance pour faire de l’Assemblée nationale ce qu’il veut. Je le répète, nous sommes face à un pouvoir dictatorial. Ces partis d’opposition vont à l’abattoir. N’oubliez pas qu’une partie des sénateurs sera nommée par Alassane Ouattara. D’ailleurs, sur quels électeurs compte cette opposition qui veut aller aux législatives ?
Ce peuple qui s’est fait massacrer ? Qu’ils n’oublient pas qu’ils s’en vont demander les suffrages d’un peuple qui s’est fait massacrer. Je pense que ces opposants n’ont pas de compassion pour ce peuple. C’est l’occasion pour moi de m’incliner encore devant la mémoire du jeune Toussaint qui a eu sa tête tranchée et utilisée comme un ballon de football. En tant que femme et mère, jusqu’à présent, je n’arrive pas à effacer cette image inhumaine de mon esprit.
De façon concrète, comment l’opposition devrait-elle maintenir la pression ? Faut-il reprendre les marches et les meetings de protestation ?
Comme je vous l’ai dit, nous sommes face à un régime dictatorial. Si nous disons à nos enfants de sortir dans les rues, les milices du pouvoir seront encore là pour les découper à la machette. Alassane Ouattara a réussi une chose : créer le traumatisme chez les Ivoiriens. Ils ont vécu ces derniers mois des atrocités qu’on n’avait jamais vues en Côte d’Ivoire. Nous pouvons contourner cela autrement en refusant carrément de lui donner toute légitimité. Si aujourd’hui le Rhdp va seul aux législatives, cela montrera que le peuple n’adhère toujours pas à ce pouvoir, et le monde entier aura la confirmation que ce pouvoir est dictatorial et illégitime.
N’avez-vous pas le sentiment que le plus important pour Ouattara et le Rhdp, c’est d’être au pouvoir, avec ou sans une quelconque légitimité ?
S’ils le pensent, cela n’engage qu’eux. L’opposition doit continuer son combat. Il suffit d’être solidaire et de parler le même langage.
On constate des défections dans les rangs de l’opposition, particulièrement au sein de GPS où des cadres décident de se rallier au Rhdp. Ne craignez-vous pas que GPS finisse par perdre tous ses cadres et militants au profit du Rhdp ?
Dans un combat politique, il faut de la cohérence et de la constance. C’est ce que le président Guillaume Soro lui-même a dit. Même dans la vie de tous les jours, quand tu n’es pas cohérent dans ce que tu fais, tu ne seras jamais constant. Je pense que nous devons être cohérents dans ce que nous faisons. Ceux qui sont partis, c’est parce qu’ils ne sont pas cohérents. Ce que je puis dire au président Soro, c’est que le destin fait entrer beaucoup de personnes dans notre vie, mais seules les meilleures restent toujours.
Des cadres et des militants de GPS, des membres de la famille de Guillaume Soro sont toujours en prison. Pendant combien de temps resteront-ils encore constants ? Ne finiront-ils pas par craquer comme d’autres anciens prisonniers et se retourner eux-aussi contre GPS et son leader ?
Effectivement, comme vous le dites, des anciens prisonniers ont cédé à la pression et ont rejoint le Rhdp, mais comme je l’ai toujours dit, ceux qui sont constants et cohérents vont toujours résister. Ceux qui sont encore en prison et qui croient au combat de GPS ne vont jamais nous lâcher. Je puis vous donner une assurance, le jour où le Président Soro met les pieds en Côte d’Ivoire, il devient le président de la République.
C’est une prophétie. Il est tant combattu par le pouvoir parce que celui-ci sait qu’il est le prochain Président de la Côte d’Ivoire. C’est le même cheminement qu’a connu Alassane Ouattara lui-même. Sachant qu’il était populaire, ses adversaires ont tout mis en œuvre pour qu’il ne soit pas candidat.
Mais l’année où il l’a été, il est devenu Président. Le pouvoir traque les membres de GPS parce qu’il voit notre force de frappe, notre capacité de mobilisation. GPS a été créé le 26 juillet 2019, qui est d’ailleurs la date de mon anniversaire (rire). GPS a donc à peine un an d’existence.
Mais regardez l’engouement qu’il suscite. Regardez comment par centaines de milliers, les Ivoiriens y ont adhéré en si peu de temps. Aujourd’hui, il suffit que notre leader regagne la Côte d’Ivoire et vous verrez l’effervescence. Vous avez vous-même vu comment les militants étaient mobilisés le 23 décembre 2019 quand il rentrait.
Justement, des poursuites judiciaires engagées contre lui l’empêchent de rentrer en Côte d’Ivoire. Ne craignez-vous pas que cela le maintienne très longtemps hors du pays ?
Ce que vous devez savoir, c’est qu’il y a une énorme pression sur Alassane Ouattara. L’opinion internationale joue un grand rôle. Ne croyez pas que les dictateurs sont toujours sereins. Ils ont peur. Avant les élections aux Etats-Unis, souvenez-vous que dans une interview, Joe Biden avait interpellé les dirigeants africains qui voulaient faire des troisièmes mandats. Et il a cité les cas de la Guinée et de la Côte d’Ivoire.
Cela signifie que la Côte d’Ivoire est dans le viseur. Toutes les décisions de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples seront ramenées sur la table de l’ONU aux USA.
N’êtes-vous pas trop optimiste ?
Observez et vous verrez.
L’image de Guillaume Soro n’a-t-elle pas pris un coup après tout ce qu’il s’est passé. Des Ivoiriens considèrent qu’il a annoncé des choses qui ne se sont pas réalisées…
De vous à moi, il y a eu quelle élection en Côte d’Ivoire le 31 octobre 2020 ? Il n’y a pas eu d’élection. Il y a eu des votes. Quelques personnes sont allées voter, mais il n’y a pas eu d’élection. C’est très simple.
GPS prépare la remobilisation de ses militants en Côte d’Ivoire. Pensez-vous que cela soit possible dans le contexte actuel ?
Face à la dictature du régime en place, nous allons utiliser une stratégie pour nous faire entendre. Je n’en dis pas plus pour le moment.
Quel rôle la diaspora peut-elle jouer dans cette remobilisation ?
Nous qui sommes à l’extérieur, n’allons pas cesser de porter notre voix. Nous apporterons toujours notre soutien aux militants brimés au pays. Ce n’est pas facile pour eux. Aujourd’hui, il suffit que tu parles de GPS, on t’arrête et on te jette en prison. Sachez que la diaspora joue déjà un rôle important dans notre combat.
Certes, actuellement, à cause du confinement lié à la pandémie de coronavirus, nous ne pouvons pas nous mouvoir comme d’habitude. Toutefois, nous continuons de galvaniser nos militants à travers tout le Royaume-Uni. Régulièrement, nous organisons des visioconférences pour parler de l’évolution de GPS. Et dès que le confinement prendra fin, nous reprendrons nos activités sur le terrain et GPS triomphera toujours. Déjà, malgré le confinement, nous n’avons pas arrêté de rencontrer les institutions internationales pour les amener à se pencher sur le cas de la dictature en Côte d’Ivoire.
L’un des sujets d’actualité au sein de GPS, c’est la question de la fusion de tous les mouvements et partis politiques qui soutiennent Guillaume Soro. Quel est votre avis sur cette question ?
C’est une très bonne chose. D’ailleurs, je vous informe que je milite pour cette fusion depuis longtemps. Lorsque j’étais vice-présidente du Raci, si vous l’avez remarqué, je mettais toujours en avant mon appartenance à GPS. J’avais déjà pris les devants. Si cette fusion avait eu lieu depuis le début, tous les opportunistes qui se disaient populaires alors qu’ils profitaient de l’aura de Guillaume Soro, n’auraient pas eu la possibilité de se faire un nom.
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