L’on aurait pu penser qu’à la faveur de la dernière élection présidentielle et à l’appel à l’unité d’action de plusieurs leaders politiques de l’opposition, que les rapports houleux et tumultueux entre les deux branches du FPI se seraient tassés et apaisés. Que nenni !
Ces deux frères ennemis sont si irréconciliables qu’à l’occasion de la formation de la plateforme de l’opposition, cet antagonisme a été manifeste. Les observateurs politiques avertis n’ont pas manqué de constater que l’échec de la désobéissance civile et du Conseil National de Transition (CNT), étaient dus aux tiraillements et inimitiés des deux FPI.
Le FPI-Gbagbo, a refusé que le porte-parolat de la plateforme de l’opposition échoie au FPI-Affi. Il en va de même de la création du CNT qui fut rejetée par le FPI-Gbagbo, au motif que ce n’était pas son idée. Pis, Affi N’Guessan semblait y occuper une posture prépondérance. Il n’en fallait pas plus pour qu’Assoa Adou, représentant du FPI-Gbagbo, se désolidarise du CNT, ouvrant ainsi les fissures de la discorde.
Les faits récents montrent bien que la rivalité ou la confrontation mortelle entre ces deux FPI, contribue à fragiliser l’opposition et à son corps défend, fait le bonheur d’Alassane Ouattara, qui en joue.
Autre fait, lorsque Affi N’Guessan était en prison, le FPI-Gbagbo s’en est très peu ému. C’était visible qu’ils se gargarisaient et riaient à gorge déployée sous cape. Affi N’Guessan compris que sa mort politique était certaine. Bradant sa conviction, il choisit de collaborer avec son bourreau pour sortir de prison.
Quant au FPI de Laurent Gbagbo, il n’était pas en reste. Aveuglé par la rivalité avec Affi, eux choisirent de collaborer avec Alassane Ouattara par le truchement d’Hamed Bakayoko, en vue d’obtenir le retour sécurisé de leur leader. Le coup de fil de Laurent Gbagbo à Hamed Bakayoko n’en fut que la preuve évidente, même s’il s’en défend.
La réalité impose de reconnaitre que les deux FPI, désormais et objectivement, sont devenus conciliants, voire en collaboration avec le Président Ouattara. Leurs divergences n’étant que formelles. D’un côté, on peut voir Assoa Adou et Danon Djédjé filant le parfait amour avec le Premier ministre Hamed Bakayoko. De l’autre, Affi N’Guessan se pavanant dans l’avion présidentiel avec le Médiateur Adama Toungara. Et Alassane Ouattara, qui comme la belle jeune fille du village, se laisse désirer.
Au passage, l’on note que les deux FPI, d’une façon ou d’une autre, reconnaissent son troisième mandat, si bien qu’ils s’étripent pour aller aux élections législatives.
Le FPI-Gbagbo n’a-t-il pas demandé l’aumône au Premier ministre Hamed Bakayoko, au motif de financer ses candidats aux dites élections ? Si les militants du FPI-Gbagbo accusent ceux d’en face de trahison, il n’en demeure pas moins que les militants du FPI-Affi, les accusent à leur tour, de haute trahison. Autant dire que les deux FPI sont face à face et sur le pied de guerre !
La vérité est que ces deux partis sont divergents dans l’approche au pouvoir et dans la façon qu’acquérir les subsides nécessaires à leur survie. Qu’elle soit élégance ou inélégante, n’absout pas la forfaiture. Le hic ici, c’est le peuple qui est floué.
Évidemment, certains argueront qu’ils ont droit à l’argent public et que ce n’est pas l’argent sorti des poches d’Alassane Ouattara. De ce fait, ils en auraient légalement et légitimement droit. Or, cela pose deux problèmes : un de droit et un d’éthique et de morale. Alors, voyons ensemble ce que disent la Constitution et les lois de la République.
En effet, la Loi relative au financement des partis et groupements politiques décline clairement les critères à remplir pour avoir droit au dit financement. Pour ce faire, citons les articles 3 et 4 de la loi qui en établissent les principes :
Article 3 : « Le montant de la subvention allouée aux partis et groupements politiques est fixée chaque année par la loi de finances et représente 1/1000ème du budget de l’État ».
Article 4 : « Ce financement se répartit comme suit :
* Une subvention affectée aux groupements et partis politiques en fonction du nombre de suffrages exprimés en leur faveur à l’occasion des élections législatives ;
* Une subvention affectée aux groupements et partis politiques proportionnellement au nombre de sièges obtenus à l’Assemblée Nationale ;
* Une subvention affectée aux groupements parlementaires, conformément au nombre de Députés inscrits en leur sein ».
Au titre du droit et comme vous le constatez, conformément à ces deux articles, le FPI-Gbagbo est inéligible au financement public tel que prescrit par la loi. Ce financement étant tributaire à la participation aux élections législatives précédentes. Dans le cas d’espèce, le FPI de Laurent Gbagbo ayant boycotté les deux législatures passées, ne peut donc y prétendre. Seul un financement clandestin peut être sollicité, et ce, contrairement à la loi. En revanche, le FPI d’Affi N’Guessan est exempt de l’exclusion de la loi puisque ce parti a participé aux législatives précédentes. Il lui revient de droit d’avoir accès au dit financement.
Du point de vue de l’éthique et de la morale : est-il sain, est-il moralement fondé de réclamer un financement à un pouvoir dont on dit qu’il est dictatorial, inconstitutionnel, illégitime et illégal ? Imagineriez-vous le Capitaine Thomas Sankara, quémander de l’argent au pouvoir d’apartheid en Afrique du Sud, quelle qu’en soit la raison ou la noblesse de son combat ? Or, c’est là, la faute des deux FPI. À moins qu’ils ne considèrent que l’argent n’ait pas d’odeur.
Si Laurent Gbagbo s’est opposé au marchandage relatif à son retour en Côte d’Ivoire, c’est parce que les conditions, à lui imposées par le régime d’Abidjan, étaient totalement inacceptables, voire humiliantes. Pourtant, Laurent Gbagbo avait espéré que la concession qui consistait à reconnaitre le troisième mandant d’Alassane Ouattara et la participation de son parti aux futures législatives, faciliteraient son retour au pays.
Le grand tacticien qu’il est, a cru un instant pouvoir endormir le technocrate Alassane Ouattara, « novice en politique ». Mais, son calcul s’est avéré faux.
Chers lecteurs, le spectacle ridicule, honteux, humiliant que ces deux FPI nous donne d’observer est tout simplement lamentable. Chris Yapi est triste de voir ces deux grands leaders historiques se livrer bataille. Le récent courrier d’Affi N’Guessan à la CEI, que tous décriaient pourtant, pour dénoncer les partisans de Laurent Gbagbo, est misérable. Alassane Ouattara le « novice », montre aux yeux du monde qu’il a réussi par le diviser pour régner, à vaincre ce grand FPI qui a fait les beaux jours de la démocratie en Côte d’Ivoire, dans les années 90.
Cependant, il aurait été plus judicieux, comme l’a recommandé Simone Éhivet-Gbagbo, cette autre héroïne de la lutte pour le multipartisme, de s’abstenir de cautionner le pouvoir illégitime d’Alassane Ouattara, en boycottant tout simplement les prochaines élections législatives de mars 2021.
Chris Yapi demande aux deux FPI, à Laurent Gbagbo et à Affi N’Guessan, qui sont des fervents partisans du dialogue avec le pouvoir, de résoudre leurs différends en famille, en « s’asseyant et en discutant ».