Alors que les différents états-majors se préparent activement pour les élections locales couplées, municipales et régionales prochaines, une guerre fratricide commence à germer au sein du parti au pouvoir (RHDP).
Les prémices de cette guéguerre au sein du parti d’Alassane Ouattara lors de ces élections se sont déjà fait sentir dans les régions du Sud-Comoé et du Gbêkê où la bataille pour la présidence du conseil régional et la mairie a commencé à ébranler la cohésion interne du parti.
Les élections municipales et régionales 2023 pourraient être particulièrement électriques au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) d’Alassane Ouattara. En effet, comme cela est de coutume à l’orée des élections locales, le parti présidentiel n’échappera pas une fois de plus à la traditionnelle guerre fratricide des ambitions individuelles.
UNE GUERRE FRATRICIDE COMMENCE A GERMER AU SEIN DU RHDP
Le ton est d’ailleurs déjà donné et c’est la région du Sud-Comoé et la ville de Bouaké, capitale du Gbêkê qui semblent être le théâtre des prémices de cette bataille interne. Pour le contrôle du conseil régional du Sud-Comoé occupé par l’actuel président du Conseil économique et social, environnemental et culturel, Eugène Aka Aouélé, par ailleurs député élu de la sous-préfecture d’Aboisso, les camps sont déjà constitués et les tranchées ouvertes.
Le premier clan est bien évidemment constitué par l’actuel président du conseil régional qui a dans son écurie Marcelin Zinsou, député suppléant de la commune d’Aboisso qui siège au Parlement en lieu et place de Cissé Aboubakari, en raison de l’incompatibilité entre la fonction de député pour laquelle il a été élu dans la commune d’Aboisso et son poste de directeur général adjoint des impôts.
Quant au camp rival, il est construit autour de Hien Sié Yacouba, directeur général du Port autonome d’Abidjan et député-maire d’Adiaké. Celui-ci a dans son écurie des personnalités comme Aboubakari Cissé, ainsi que plusieurs autres élus de la région. A chacune de leurs sorties, ces rivaux, pourtant du même bord, ne se font pas de cadeau.
LE TON EST DONNE
Des pics et des attaques qu’ils arrivent difficilement à voiler sont devenues monnaie courant lors des rassemblements organisés dans la région. Le samedi 26 mars dernier par exemple, Joséphine Kouassi Kassi Ahoubé a été investie députée en remplacement d’ Eugène Aka Aouélé dont elle était jusqu’à une date récente suppléante.
Cette cérémonie d’investiture n’a pas fait exception à ce qui est devenu désormais une règle chez les houphouétistes du Sud-Comoé. Les attaques voilées et autres paraboles à l’endroit du « frère ennemi » n’ont pas manqué au rendez-vous. Du premier au dernier intervenant qui se sont succédés au pupitre, chacun y est allé de sa partition comme si l’on rivalisait d’ardeur pour porter l’estocade au camp rival et prouver sa fidélité au chef de file.
Sans le citer nommément, les uns et les autres ont pointé du doigt une personnalité du parti qui serait déjà rentré en camp et qui torpillerait même le président du conseil régional, Eugène Aka Aouélé. Cette personne qu’aucun orateur n’a osé nommer serait selon plusieurs indices Hien Sié Yacouba, le député-maire d’Adiaké.
Dans le camp Aouélé, il lui est reproché d’avoir tenu des propos offensants à l’encontre du président du Conseil économique et social, environnemental et culturel lors d’une cérémonie qu’il a présidée dernièrement à Maféré. Selon les accusateurs, le directeur général du Port autonome d’Abidjan aurait prétendu qu’il « n’y a pas d’eau à Maféré et que lui, il est prêt, s’il est élu président du conseil régional, à donner de l’eau à Maféré ».
DES ATTAQUES A PEINES VOILEES…
Ce qui n’a pas été apprécié par les partisans d’Aka Aouélé qui trouvent que cela n’est pas juste d’autant plus que « le troisième château d’eau de la ville sera inauguré bientôt, en plus du bitumage des rues achevés ». Selon des sources sur place, le maire de la commune de Maféré, Michel Kadjo, bien qu’étant du parti présidentiel, se serait offusqué que le député-maire d’Adiaké viennent présider une cérémonie à Maféré.
Dans le camp de l’élu d’Adiaké, on rejette les propos offensants attribué à ce dernier. Accusations fondées ou pas, toujours est-il que les cadres du parti d’Alassane Ouattara sont à couteaux tirés dans le Sud-Comoé. Les premières mèches de cette guerre des clans interne aux houphouétistes dans le Sud-Comoé ont été allumés par Cissé Aboubakari et son colistier des dernières législatives, Marcelin Zinsou.
Candidat à l’investiture du Rhdp pour les législatives dans la commune d’Aboisso, Marcelin Zinsou verra le directeur général adjoint des impôts préféré à lui par la base. Après plusieurs pourparlers, ce dernier l’acceptera sur sa liste comme suppléant. Entre-temps, les deux personnalités visent, toutes les deux, par-dessus tout, la mairie aux prochaines élections.
Si pour Zinsou, le fait d’être colistier de Cissé aux législatives de 2021 sonne comme un accord pour que ce dernier le soutienne aux municipales de 2022, le haut cadres des impôts, lui, ne l’entend pas de cette oreille. Les deux personnalités qui, d’ailleurs, n’ont jamais été les meilleurs amis du monde, se regardent en chiens de faïences jusqu’à ce qu’éclate l’affaire concernant les parlementaires qui siègent malgré l’incompatibilité entre leur fonction et l’exercice du mandat de député. …
QUI APPELLENT DES RIPOSTES
Ainsi, Cissé Aboubakari, directeur général adjoint des impôts, doit céder son fauteuil à l’Assemblée nationale à son suppléant. Problème, celui-ci est à la tête du fonds de garantie des PME et ne souhaite pas aussi lâcher prise. Finalement, débarqué de la tête du fonds de garantie des PME, il acceptera de siéger en remplacement du titulaire, à son corps défendant. Toutefois, dans l’entourage de Cissé Aboubakari, l’on refuse qu’un camp soit attribué à leur mentor dans cette bataille entre Aka Aouélé et Hien Sié. Pour eux, le directeur général adjoint des impôts ne peut pas être « réduit à jouer un rôle de lieutenant dans le Sud-Comoé ». Si l’on prend cette position en compte, on peut s’attendre à voir trois grosses têtes du parti au pouvoir s’affronter pour les commandes du conseil régional du Sud-Comoé.
Ce qui se passe dans le Sud-Comoé est loin d’être un cas isolé. Dans la région du Gbêkê, le front est ouvert également entre les partisans du président de la République pour les municipales. Samedi dernier, la ville de Bouaké, capitale du Gbêkê, a été le théâtre d’échauffourées entre deux camps rivaux du Rhdp. Joint par téléphone, un témoin sur place, qui suit l’évolution des choses depuis un moment, nous a relaté les faits. « Il s’agit de deux groupes rivaux Rhdp qui se disputent le terrain à Bouaké pour les municipales à venir. L’un proche d’Amadou Koné (ministre des Transports, ndlr) et l’autre du député Béma Fofana », a expliqué notre source.
Selon son témoignage, il ressort que « l’un des responsables locaux du Rhdp, Bâ Karamoko, proche du député Béma Fofana a convoqué une réunion de coordination avec les secrétaires communaux qui leur sont proches pour le samedi 26 mars dernier, et très tôt le matin, des personnes réputées proches du ministre des Transports, appuyées par des gros bras sont allés fermer le siège qui devait accueillir la réunion ».
BATAILLE DE GLADIATEURS A BOUAKE
Cette situation visiblement n’a pas laissé l’autre camp sans réaction puisque ces frères « ennemis » du même parti sont dans un jeu de démonstration de force depuis les dernières législatives. En réaction à l’acte posé, le camp du député Béma Fofana a riposté. N’eût été le déploiement des forces de sécurités, le parti présidentiel aurait enregistré ses premières victimes des futures élections locales couplées, municipales et régionales. Comment en est-on arrivé là, alors que l’idylle semblait parfaite entre le député de Bouaké et le ministre des Transports à qui il donnait du « saint leader » ? Toujours selon notre source, les choses se sont gâtées entre les deux hommes lors des législatives passées.
« Béma Fofana qui s’entendait bien avec Amadou Koné apprendra que ce dernier manœuvre pour qu’il n’ait pas le parrainage du parti pour les législatives. Celui-ci s’est senti trahi et a décidé de se réconcilier avec tous ses ennemis pour faire front contre le ministre », croit savoir notre source. Un message posté sur la page Facebook de Cheick Kabila Silué, président de la jeunesse communale de Bouaké et partisan du ministre des Transports, laisse deviner que la partie est loin d’être terminée :
UNE GUERRE FRATRICIDE COMMENCE A GERMER AU SEIN DU RHDP
« le respect du chef est non négociable. Qui s’y frotte, s’y pique. En ma qualité de ‘’voyou et d’individu non identifié’’ j’ai fini de parler et j’attends ». Ce texte qui est accompagné par une photo d’Amadou Koné aux côtés d’Alassane Ouattara semble bien adressé à l’autre camp où certains s’étaient plaints plutôt d’avoir été perturbés par des « voyous et individus non identifiés ». Ces situations électriques déjà constatées au sein du parti au pouvoir augure de vives tensions au moment du choix des candidats pour porter l’étendard du parti lors des futures élections.
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