Isolé au plan politique et désormais moins bavard, Guillaume Soro n’est pas au bout de ses surprises. Il est loin des frontières ivoiriennes depuis bientôt deux ans et certains de ses compagnons de lutte l’abandonnent et préfèrent retourner à leurs partis d’origine. Des défections qui arrivent au moment où il a le plus besoin des hommes avec lesquels, huit ans durant, il a traversé les difficultés au sein de la rébellion. Même si, chemin faisant, il a rencontré de nouveaux compagnons, son cercle restreint était resté composé de ses anciens compagnons. Alors qu’une partie d’entre eux est en prison, certains ont retourné leur veste quand d’autres préfèrent rester discrets. Après les premiers départs annoncés fin 2018, la saignée continue.
Guillaume Soro semble avoir retrouvé ses réflexes de Secrétaire général de la FESCI. Période pendant laquelle se cacher n’avait pas de secret pour lui. Mais, après plusieurs mois de défiance, il avait fini par être interpellé par les services de police de l’époque. Après avoir menacé ouvertement le pouvoir d’Abidjan, avant et après l’élection présidentielle, Guillaume Soro, après un rappel à l’ordre de Paris, la joue plutôt discrète aujourd’hui. Maillon essentiel dans l’organisation de la désobéissance civile lancée par l’opposition, il est de plus en plus isolé depuis le début du dialogue entre les acteurs politiques ivoiriens. Au sein de l’opposition, sa voix ne porte presque plus.
Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié ont désormais décidé de réduire la plateforme de l’opposition à leurs seuls partis. Résultat, le navire Guillaume Soro prend de l’eau de toutes parts. Saignée de députés s’appellent Alpha Yaya Koné, Célestine Olibé Trazéré ou encore l’ancien journaliste et directeur général de NordSud Quotidien Sindou Méïté.
Ce sont les premières figures à avoir quitté Guillaume Soro. Raison officielle invoquée, ils ne comprennent « plus le chemin emprunté par Guillaume Soro » et ne se sentent « plus concernés par « sa lutte». Célestine Trazéré, Présidente du groupe parlementaire « Le Rassemblement », abandonne ainsi ses amis en pleine session parlementaire et se range derrière le RHPD. Mais, selon d’autres sources, il faut mettre le départ de ces personnes sur le compte d’un manque de ressources financières.
Elles seront suivies par le député Gnangadjomon Koné. Et, alors que l’on s’y attendait le moins, depuis la prison, les choses se « gâtent» entre Guillaume Soro et le précurseur de tous les mouvements et partis politiques dits soroïstes, Mamadou Kanigui Soro, fondateur du Rassemblement des amis de la Côte d’Ivoire (RACI) en 2013. À peine sorti de prison, à la veille de l’élection présidentielle d’octobre dernier, il lâche son compagnon de plus de 15 ans de lutte. Guillaume Soro, selon des indiscrétions, a très mal digéré ce coup de poignard.
Les dissensions, selon les proches de ces deux personnes, datent de la période de la rébellion. Kanigui Soro gérait alors une partie de la « Centrale », une « caisse» qui per mettait à la rébellion de tenir financièrement. Les choses ne se sont pas toujours déroulées comme les deux le souhaitaient et, depuis, une crise de confiance, voire la méfiance, anime leur relation.
Il s’en ira à son tour avec le RACI, le parti le plus structuré et le plus dynamique de la sphère soroïste. Les choses s’accélèrent quand Guillaume Soro refuse de voir Kanigui Soro à la tête du groupe parle mentaire qui lui est proche. Le « Rassemblement » explose ainsi après le départ de cinq députés sur les douze qui le composaient (Alpha Yaya, Céletine Trazéré, Gnangadjomon Koné, Bassatigui Fofana, Kanigui Soro). Dans la foulée, Kanigui Soro, en quête d’un nouveau leadership, annonce de nouvelles défections. Parmi ces dernières, Alphonse Soro, l’un des bras droits de Guillaume entre 1999 et 2020.
Des proches de Soro préfèrent regarder le bon côté de la chose. « Il est temps de laisser partir ceux qui ne veulent exister que par le nom Président ou par un poste et de construire un grand parti. Toute la galaxie soroïste n’attend que cela. Que ceux qui ne le supportent pas s’en aillent, c’est le moment de tamiser. L’heure n’est plus à s’occuper des états d’âme, ni d’amis, ni de proches. Un vrai partisan n’a pas besoin d’être tous les jours aux côtés de Guillaume Soro. Il est temps d’avancer », explique Lancina Touré, Vice-président chargé de la mobilisation du RGPS. Des poids plume ? Mais en réalité que pèsent toutes ces personnes ?
Rien, selon les partisans de Guillaume Soro, selon lesquels elles ne doivent leur existence politique qu’à leur mentor. Les années passées avec ce dernier dans la rébellion leur auront permis de s’enrichir et d’obtenir des postes politiques, soutiennent les proches de Guillaume Soro. Faux, rétorquent ces derniers, qui expliquent avoir été élus dans leurs circonscriptions respectives sans l’appui de celui-ci. Un cadre de l’ex-rébellion pousse l’analyse plus loin. « Quelle grande figure de la rébellion voyez-vous autour de Guillaume Soro ? Amadou Koné, Moussa Dosso, Daoury Tabley, Siriki Konaté, Abe Djohoré ou encore Fatoumata Traoré Diop ont pris leurs distances avec lui depuis belle lurette.
Que reste-t-il de l’aile civile ? », s’interroge Abel Djohoré. Il estime que toutes ces têtes fortes de l’ex-rébellion ont quitté Soro « car ne se reconnaissant plus dans le combat mené par ce dernier». Et, note une source auprès d’Alphonse Soro, la plupart des personnes qui abandonnent Guillaume Soro en ce moment ont été soit des leaders syndicaux, soit des hommes politiques rompus à la tâche. « Dire que ceuxlà ne pèsent rien n’est pas exact », lâche-t-il. Certaines de ces anciennes figures de la rébellion expliquent que même dans l’armée, Guillaume Soro ne saurait compter sur un grand nombre. Carré d’as Mais tout le monde n’a pas sauté du bateau en laissant le commandant de bord seul face aux vagues. Guillaume Soro peut encore compter sur quelques-uns de ses compagnons de longue date.
En première ligne, son Directeur du protocole, Souleymane Kamagaté (dit Soul to soul). En prison depuis treize mois, ce dernier, selon des sources, est le maillon fort de l’aile Soro. À ses côtés, Alain Lobognon. Même si ce dernier a décidé d’être candidat aux législatives alors que Guillaume Soro a appelé au boycott, rien, à date, ne perturbe leur relation. Ancienne porteparole des Forces nouvelles (FN), de retour dans le giron de Soro depuis sa défaite aux dernières législatives et sa sortie du gouvernement, Affoussiata Bamba-Lamine s’est également positionnée dans le carré d’as de Guillaume Soro.
À côté de ces figures de l’ex-rébellion qui gravitent encore autour de l’ex leader estudiantin, l’on compte désormais de nouvelles recrues, qui tentent de tenir la dragée haute en ces moments difficile pour la galaxie soroïste. Ces dernières, encartées dans différents mouvements de soutien, luttent tout de même pour un certain leadership. « Effectivement, la diversité des mouvements et partis politiques joue contre nous. Certains, pour des questions de leadership, n’ont pas voulu l’unification, ce qui a engendré des micros-mouvements et partis politiques. Les informations sont véhiculées selon les affinités ou selon le positionnement », explique Lancina Koné.
Ces défections ont fait de la place pour d’autres « inconditionnels », tels les députés Kando Soumahoro, Kaweli Ouattara et Loucman Camara, qui prennent date auprès d’autres inconditionnels comme Téhfour Koné et Marc Ouattara. Mais la galaxie devra être reconstruite avec plus d’hommes, car vingt ans de fréquentation ont laissé des séquelles et parce que les divisions au sein de la galaxie soroïste » sont profondes.