Plus de 3000 morts et de nombreux blessés et sinistrés. C’est le lourd bilan de la crise postélectorale de 2010-2011, dont les incidences continuent d’influencer la vie politique Ivoirienne, 10 ans après les faits.
A l’origine de ce désastre humanitaire, qui rappelons le, a servi de prétextes à des tueries de masse sur des populations civiles et à de nombreuses autres violations des droits de l’homme, le contentieux électoral, né du second tour de la présidentielle, entre l’ex chef d’état, Laurent Gbagbo, candidat de La Majorité Présidentielle (LMP) et son rival, Alassane Ouattara, qui se présentait sous la bannière de la coalition du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP).
Après plusieurs jours d’attente insupportable, le président de la Commission Electorale Indépendante (CEI), Youssouf Bakayoko, militant du PDCI-RDA, parti allié au RDR d’Alassane Ouattara, délivre les Ivoiriens dans l’après-midi du 02 Décembre 2010, en déclarant le candidat de l’opposition, vainqueur, avec 54, 1% des voix, contre 45,9% pour le président sortant.
Le camp présidentiel conteste. Dans la soirée, Paul Yao N’dré, président du Conseil Constitutionnel et fidèle de Laurent Gbagbo, réfute les résultats sur les antennes de la télévision nationale. Dès le lendemain, il inverse les chiffres proclamés par la CEI en donnant le candidat de LMP, vainqueur avec 51% des suffrages contre 49% pour son challenger, arguant de fraudes massives dans 7 départements du nord du pays, tenus par la rébellion des Forces Nouvelles.
Ainsi venait d’être donné le ton d’une crise postélectorale qui allait durer 5 mois, et déboucher sur l’arrestation le 11 Avril 2011, de Laurent Gbagbo, conduit dans un premier temps au Golf Hôtel, avant d’être déporté à Korhogo, puis à la prison de Scheveningen, à la Haye, aux Pays-Bas. Comme certains en supputaient déjà à l’époque, le président déchu avait la possibilité de mettre en difficulté la CEI dont il contestait la résultats.
Le reproche qui revient de façon récurrente sur la gestion du contentieux électoral par le pouvoir de Laurent Gbagbo, c’est l’application controversée des textes du code électoral par le juge constitutionnel. En son article 64, le code électoral stipulait clairement que »dans le cas où le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d’ensemble, il prononce l’annulation de l’élection… ». C’était sans doute là, la bouée de sauvetage pour un régime qui se disait convaincu du soutien de la communauté internationale à son adversaire.
En mettant en application cette disposition constitutionnelle, le pouvoir aurait eu le temps de repenser ses stratégies de maîtrise des opérations électorales et de s’assurer en coordination avec la représentation Onusienne en Côte d’Ivoire, chargée de la certification du scrutin, d’évacuer les stratagèmes frauduleux qu’il soupçonnait dans le camp adverse.
Le scrutin annulé, une concertation plus approfondie entre les protagonistes du processus électoral aurait redonné un second souffle à la tentative du pouvoir de Laurent Gbagbo de se maintenir à la tête de l’état.
Au-delà de l’acquittement définitif de Laurent Gbagbo pour lequel ses partisans manifestent une joie exubérante aujourd’hui, une reconsidération conciliante des textes constitutionnels auraient pu épargner ces milliers de morts, dont de nombreux partisans de l’ex président, qui pour certains, croupissent en détention depuis maintenant 10 ans.
Raoul Mobio