Depuis l’élection présidentielle d’octobre 2020, la grande majorité des ivoiriens plonge dans une insidieuse angoisse qui puise sa force dans l’avant, le déroulé et l’après de cette élection. La vie semble redevenue normale mais nul n’ignore que lorsque l’on met un couvercle sur une casserole en ébullition, ne pas diminuer le feu sous la casserole, finit toujours par en faire sauter le couvercle.
La Côte d’Ivoire présente au monde une belle équation politique à quatre inconnues. La première inconnue s’appelle pouvoir en place. Fort de sa victoire en trompe l’œil, il continue de manquer de vision et refuse d’admettre qu’il ne suffit pas de conquérir le pouvoir encore faut-il pouvoir l’exercer. Balloté entre la mauvaise santé de son chef et les les luttes intestines, il se montre incapable de créer les conditions idoines pour permettre un apaisement des cœurs et des esprits. Or cet apaisement est indispensable pour stopper l’avancée lente mais constante du pouvoir vers une paranoïa qui, dans une spirale mortifère, conduit au tout répressif qui cristallise les rancœurs d’une bonne partie du peuple.
S’appuyant sur un parti ethnocentré, où règne en maitre le principe de l’idolâtrie dogmatique, le pouvoir en place suspend son souffle car le chef qui se pense exceptionnel, intelligent et fort, montre des signes de faiblesse face à une maladie aux facettes multiples. Mais le plus pernicieux dans l’affaire c’est que focalisés sur sa maladie physique, les adeptes fanatisés refusent de voir le mal plus insidieux dont souffre le chef. Mal qui s’avère être incurable et qui, à un moment ou à un autre, le poussera vers la sortie.
Ce mal qui obstrue son esprit est extrêmement pernicieux. Il lui fait croire que seul ne vaut le rapport de force et qu’une bonne négociation ne peut se concevoir autrement, que par l’abdication de l’adversaire.
Cette mentalité qu’il s’est forgée en adoptant l’attitude de maitre chanteur si répandue au sein des institutions financières internationales, est à l’opposé de ce que devrait être le mode de fonctionnement d’un homme politique défenseur des principes démocratiques pour qui, l’adversaire politique n’est pas un ennemi et chez qui, ni rancœur ni rancune n’ont n’ont droit de citer.
La deuxième inconnue de l’équation est l’opposition ivoirienne en mal d’inspiration et d’assise populaire. Aveuglée par son désir d’accession au pouvoir, cette opposition s’est engouffrée dans une impasse sous la houlette d’un nonagénaire dont la carrière politique est jalonnée d’erreurs d’appréciation et de replis pseudo-stratégiques, passant par pertes et profits tout ce qui ne concernait pas les prébendes du clan familial et secondairement de son cercle rapproché.
A l’image du surfeur qui demande qu’on admire ses prouesses en ignorant qu’elles n’existent que par la puissance de la vague, l’opposition ivoirienne demande qu’on se reconnaisse en elle qui n’a pas su construire une forte vaque de mécontentement. Elle a tenté une figure majeure sur une vaguelette restée sans intérêt pour la communauté international, véritable arbitre de cette compétition sans merci.
Pouvait-il en être autrement quand on sait que pour la plupart des membres de cette opposition, le rêve d’alternance se nourrit plus du désir de mieux disposer des ressources de l’état, que du désir de voir s’améliorer, les conditions de vie du peuple qu’ils envoient aux charbons.
La troisième inconnue est faite de la classe politique française. Elle reste désespérément incapable de projeter la France et ses anciennes colonies, dans une relation constructive, respectueuses des valeurs de la France des lumières. Pourtant, elle se réclame d’un De Gaulle, constructeur d’un modèle politique qui répondait au contexte de l’époque.
Dépourvue de vision d’avenir, la France politique continue de regarder dans le rétroviseur de sa gloriole du passé et tente en reniant les valeurs de la république, de faire perdurer un modèle françafricain dont elle ne fait que prolonger l’agonie.
Dommage que le regard qu’elle pose sur le rétroviseur de l’histoire ne lui permette pas de voir qu’il en sera des indépendances gaulliennes comme de l’esclavage et de la colonisation. L’oppresseur face à l’opprimé de plus en plus revendicatif, recrute contremaitres et auxiliaires qui se montrent efficaces pour un temps, avec des méthodes que n’auraient pas osées les oppresseurs leucodermes. Mais l’histoire dans son éternel recommencement nous rappelle inlassablement que le pouvoir de l’oppresseur n’est jamais éternel et la victoire revient toujours à l’opprimé, au bout d’un temps plus ou moins long et au prix d’une lutte dont les morts ne font que renforcer la motivation des survivants.
Macron pure produit d’un mode de penser dicter par les règles de la finance, manque de la profondeur nécessaire, pour faire passer son rêve de grandeur, de l’ambition égotique à une réalité acceptée et reconnue par les non-laudateurs. La quatrième et dernière inconnue de cette équation politique est le peuple de Côte d’Ivoire.
Lui qui après avoir tant de fois donné sa poitrine pour défendre son rêve de démocratie, d’équité et de justice, se rend compte que même quand la tête de l’un des siens est tranchée et jouée au pied, cela ne suscite pas grand-chose au-delà d’un émoi récupérateur chez une opposition en mal de représentants charismatiques.
Ce peuple ressemble à une lionne blessée par les cornes de l’antilope mais qui sait que sa survie ne dépend que de sa capacité à repartir au combat pour arracher à dame nature la pitance de sa progéniture. Oui il a été meurtri par la violence de la répression de ceux qui hors combat politique, demeurent ses frères. Oui il commence à comprendre qu’il ne peut compter que sur lui-même car ces leaders pour lesquels il était prêt à perdre tout même la vie, ne montrent que très peu d’ardeur au combat. Retiré dans ses derniers retranchements, le peuple a appris de ses défaites et fourbit patiemment les armes de sa contestations.
Il sait que l’histoire lui donnera raison le moment venu. Mais en attendant ce moment historique, pourvu qu’il réalise que si on est là, c’est en grande partie de sa faute, lui l’adepte du ruissellement Macronien, qui voit en l’homme politique la source d’argent facile qui le sortira de sa galère. Pourvu qu’il se rende compte que son combat ne vaudra que par les changements sociétaux qu’il imposera. Non on ne se bat pas pour un homme politique. On se bat pour un idéal de paix et de fraternité qui passe par la protection des ressources publiques, contre ces prédateurs qui se font pompeusement appeler hommes politiques
A ceux qui demandent qu’on ne voit dans leur reniement de tout ce qui faisait de la France une référence en termes de droits de l’homme, que leur ardant désir de maintenir la stabilité loco-régionale, on se doit de rappeler que ces atermoiements ont plongé la Côte d’Ivoire dans une expectative armée à durée indéterminée.
Depuis l’élection présidentielle de 2020 nos quatre protagonistes continuent à se regarder en chiens de faillance. Mais jusqu’à quand serait-on tenté de dire lorsque l’on pressent que le fameux dialogue politique tant souhaité, échappera aux compromis de bon aloi pour se vautrer dans la compromission, avec les hautes fonctions de l’état attribuées en cadeau politique, à des individus aux tendances gabégiques partisanes avérées.
TRIBUNE WEB IVOIRIENNE